« Depuis longtemps, les Conseils généraux construisent et entretiennent des collèges, des routes, financent les réseaux haut-débit ou la ligne ferroviaire à grande vitesse, aident les personnes âgées, compensent le handicap, protègent l’enfance, organisent les transports, les services de sécurité…
Nous sommes fiers du travail accompli au service quotidien de nos habitants, du soutien apporté aux entreprises, en particulier celles du BTP. Nous investissons dans nos territoires et nos budgets sont équilibrés.
Depuis des années, nous innovons, nous expérimentons, dans un contexte budgétaire difficile, pour rendre un service public de qualité et de proximité. C’est pourquoi, nous sommes prêts, aujourd’hui à engager le débat pour une évolution de nos collectivités.
« L’organisation administrative est devenue trop compliquée. Les citoyens ne savent plus quelles sont les responsabilités exactes de celles et ceux qui les représentent ». Le Président de la République, en janvier, soulignait le déficit démocratique du fonctionnement de nos institutions locales et il en souhaitait l’évolution. Car plus qu’un enjeu d’économies, parler de notre organisation territoriale c’est parler de démocratie locale.
La déclaration de politique générale du Premier Ministre a fixé 4 objectifs et un calendrier : élargir le périmètre des régions (2017) pour qu’elles disposent d’une taille critique pour le redressement économique, le développement des entreprises et des emplois, le soutien à la recherche et à l’innovation. Renforcer l’intercommunalité ensuite (2018), redéfinie autour des bassins de vie, et aux compétences élargies. Clarifier les compétences pour préciser le rôle de chacun. Enfin engager le débat sur l’avenir des Conseils départementaux et leur suppression à l’horizon 2021.
Ces quatre objectifs doivent être vus comme un ensemble car il ne s’agit pas d’une question technique, ni d’une simple recherche d’économie. Il s’agit d’abord de notre démocratie.
Un enjeu du quotidien
Aujourd’hui, de façon schématique, un Conseil général répond à deux missions : les solidarités à l’égard des personnes et les solidarités à l’égard des territoires.
Les solidarités à l’égard des personnes sont mises en œuvre par des équipes de travailleurs sociaux, des équipes insertion, présentes sur nos départements, en partenariat avec de nombreux autres acteurs. Il s’agit non pas simplement de verser des allocations ou des aides à des personnes comme pourrait le faire une agence, mais de construire de véritables réponses individualisées : construire un projet de vie pour une personne handicapée, réaliser un plan d’aide à l’autonomie d’une personne âgée, identifier un parcours d’insertion, mener une famille vers son autonomie sociale, permettre à un enfant qui nous est confié de s’épanouir et de réussir sa vie…
Ce travail de proximité, qui nécessite contact et écoute, souvent déplacement au domicile des personnes, pourrait peut-être s’appuyer demain sur une intercommunalité solide et lui être transmis sans nuire à la continuité du service ni à sa qualité, sans rompre l’égalité de traitement entre les citoyens en fonction de leur lieu de vie, sans démobiliser les équipes qui s’y consacrent aujourd’hui sous l’autorité du Conseil général.
Les solidarités territoriales ensuite. Elles permettent d’éviter les inégalités et fractures territoriales: nous ne voulons pas, d’un côté, des métropoles ou des zones urbaines attractives pour les entreprises, où se concentrent les emplois, les commerces, les services et, de l’autre, des zones périurbaines ou rurales où vivraient ceux qui n’ont pu se loger en ville, sans commerces ni services ni emplois en proximité, condamnés à des déplacements quotidiens, onéreux et fatigants.
Posons vraiment les termes du débat
Parler réforme territoriale, ce n’est donc pas parler d’un simple « échelon » ou d’un « mille-feuille ». Les interrogations sont concrètes :
- pour porter un développement économique durable et ambitieux, dont nous avons besoin, faut-il limiter par exemple l’élargissement régional à une ambition identitaire et s’interdire de construire un vaste territoire, en pointe sur les activités liées à la mer, puissant sur le plan de la production agricole, développant une industrie agroalimentaire capable de se porter au premier rang en Europe ?
- comment maintenir la proximité indispensable aux solidarités ? Le préalable n’est-il pas dans la présence d’un maillage territorial, garanti par la redéfinition des intercommunalités à l’échelle des bassins de vie et le renforcement de leurs compétences ?
- comment ne pas reconnaître la diversité de notre pays ? 60 % de la population française vit sur un territoire qui n’est pas métropolitain. Entre campagne et villes moyennes. Entre hameaux et périphérie urbaine. La France est plurielle, diverse. Elle ne peut avancer que si nous entendons ces différences. Les territoires très ruraux ont besoin d’un soutien et d’une organisation spécifique.
- comment ne pas évoquer le rôle et la présence de l’Etat dans nos territoires, d’un Etat qui doit, lui aussi, être fort dans ses compétences et ne pas se diluer ?
- enfin, il n’est pas possible d’éluder la question des moyens. Comment une collectivité pourrait-elle être forte sans une part significative d’autonomie financière et fiscale ?
Des idées, nous en avons. Toutes doivent être mises au débat, loin des caricatures ou des postures simplistes.
Un seul objectif : une organisation démocratique efficace
Profondément décentralisateurs, nous ne voulons pas d’une recentralisation de la France, mais au contraire nous attendons que ce Gouvernement fasse pleinement confiance aux territoires, à leurs forces vives économiques, sociales, politiques, citoyennes.
Ce n’est pas être conservateur que de poser les termes du débat. C’est au contraire faire preuve de pragmatisme, de réalisme, et d’optimisme. Clarifier les compétences, oui. Donner un nouveau souffle à notre démocratie, oui. Faire mieux avec moins, oui. Le faire intelligemment, oui et encore oui.
L’évolution de nos institutions ne peut se limiter à une simple opération de communication. Une organisation institutionnelle ne peut être une fin en soi. Elle n’a de sens que si elle porte un vrai projet politique. Nous y sommes prêts si nous avons l’assurance que nos concitoyens y gagneront en termes d’accès à l’emploi, de présence des services publics et d’aménagement de nos territoires.
Nous trois, Présidents de Conseils généraux bretons, sommes prêts à en débattre. Une organisation institutionnelle n’a de sens que si elle est efficace, réactive, en phase avec les besoins de nos concitoyens et porteuse d’avenir. Car il s’agit bien de dessiner la carte de la France de demain, pour les décennies à venir. »
Claudy LEBRETON, président du Conseil général des Côtes d’Armor
Pierre MAILLE, président du Conseil général du Finistère
Jean-Louis TOURENNE, président du Conseil général d’Ille-et-Vilaine
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