Ce blog est un lieu d'échanges et de faire-savoir.
Je souhaite en publiant ainsi et ici la tribune de Jean-Jacques faire vivre cette idée. Je partage d'ailleurs en tout point son point de vue publié ce week-end par Ouest-France.
"Depuis plusieurs semaines, avocats et magistrats protestant contre la réforme de la carte judiciaire, à l’instar, d’ailleurs, d’un grand nombre d’élus. Mais les citoyens, semblent se sentir peu concernés par la purge envisagée alors qu’ils en seront les principales victimes. Ce sont en effet les instruments de la justice de proximité qui pâtiront de cette réforme, puisque Rachida Dati annonce la fermeture de 23 tribunaux de grande instance sur 181 et de 173 tribunaux d'instance sur 473. Son ambition est pourtant officiellement de « rationaliser les moyens et d’améliorer la qualité de la justice ». Mais la ministre peine à expliquer en quoi ces décisions y contribuent. De fait, où est la rationalisation des moyens alors que, ces quatre dernières années, l’Etat a investi à Guingamp 1 147 000 € pour rénover les tribunaux pour enfants et de grande instance et qu’aujourd’hui, le gouvernement les ferme et les transfère à Saint-Brieuc ? D’autant que dans cette ville, faute de place pour accueillir les personnels, il faudra rapidement envisager le lancement d’un nouveaux programme immobilier ! L’intendance suivra sans doute, au bout du compte, mais les économies de bout de chandelle réalisés de-ci de-là au titre de la réforme pèseront peu en considération des dépenses extravagantes occasionnées par la folle imprévoyance, sur ce dossier, des services de Madame Dati. En quoi, par ailleurs, la suppression de ces véritables instruments d’une justice de proximité efficace et socialement bénéfique que sont les tribunaux d’instance aidera-t-elle à améliorer la qualité de la justice ? Tous s’accordent aujourd’hui à considérer qu’ils travaillent plus vite que les autres et pour un moindre coût. Et surtout, ils exercent d’importantes compétences en matière de tutelle, de curatelle, de surendettement, – des champs d’intervention qui concernent tout particulièrement les milieux défavorisés, les malades, les personnes âgées… En taillant dans le vif des tribunaux d’instance, Rachida Dati ferme les lieux où se règlent les problèmes quotidiens, et choisit délibérément de pénaliser les plus modestes de nos concitoyens. Elle a tout récemment légitimé ce choix en affirmant à l’Assemblée nationale, lors de la présentation de son budget pour 2008, que la véritable proximité, « c’est la satisfaction rapide du besoin de justice ». Non, pourrait-on lui rétorquer, cela, c’est l’efficacité. Une efficacité indispensable, certes, mais qui doit impérativement aller de pair avec la proximité physique du justiciable et du juge. Mais le plus affligeant, dans cette affaire, c’est que personne n’a compris les raisons objectives qui poussent le ministère à fermer un tribunal. Les critères retenus sont-ils démographiques ? Le département de la Manche, avec ses 400 000 habitants, accueillera deux TGI, tout comme le Finistère, qui en compte 800 000. Sont-ils liés au niveau d’activité des juridictions ? Il est moindre à Narbonne, qui abritera un pôle de l’instruction, qu’à Quimper, qui risque d’en être dépourvu. Au demeurant, Rachida Dati nous avait prévenu que sa réforme ne s’effectuerait pas « de manière mécanique ou géométrique ». Mais du même coup, ce traitement aléatoire légitime toutes les suspicions quant à l’existence de certains passe-droits. Une méthode profondément déficiente, donc, qui illustre les procédés d’une ministre dont l’autoritarisme a sans doute joué une part primordiale dans cet échec retentissant. Elle nous avait pourtant promis, en juin dernier, que sa réforme s’appuierait sur une large concertation impliquant l’ensemble des acteurs. Las ! Tous dénoncent maintenant sa brutalité et souvent sa condescendance. Comment en sommes-nous arrivés là ? L’irritation ambiante se nourrit du refus de la Garde des Sceaux de prendre le temps de l’explication, de la pédagogie, de l’écoute. Qu’on en juge. Le 9 novembre dernier, elle recevait officiellement les professionnels de la justice et les élus des départements du ressort des cours d’appel de Rennes et d’Angers. Alors qu’elle avait au préalable généreusement octroyé 45 minutes d’échanges aux seuls parlementaires UMP, l’affaire fut cette fois expédiée en quelques minutes durant lesquelles elle énuméra lapidairement le nom des tribunaux promis à une mort prochaine. Ensuite, sur les dix-sept demandes de prise de parole enregistrées, elle n’en honora finalement que huit, puis s’éclipsa, appelée à d’autres obligations, laissant son auditoire, comme on peut l’imaginer, passablement déconcerté… Tout cela est navrant et il faut maintenant en appeler au Président de la République pour qu’il décide de suspendre le processus en cours afin d’engager une véritable concertation avec les acteurs de la justice, et qu’il saisisse le Parlement. On ne peut régler une telle affaire à coups d’oukases".
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