Quimperlé: 3 emblèmes pour 3 rivières, de Philippe Carrer, a été publié en mai 2010 par les éditions fouënantaises, Yoran Embanner.
La couverture, illustrée par un tableau d' Henri Le Sidaner, Clair matin à Quimperlé, donne le ton du livre qui est d'une clarté faisant souvent défaut aux ouvrages du genre.
Mais 3 emblèmes pour 3 rivières est-il un livre d'histoire ? Si l' Histoire, et même les histoires, sont bien présentes, Philippe Carrer ne se contente pas de refaire le récit de la naissance et du développement de notre cité au fil des siècles. Il se lance et il nous lance dans un jeu de piste qui nous fait voyager dans le temps, à la rencontre de nos racines, pour mieux comprendre notre présent.
Avec pour fil rouge, trois personnages, trois emblèmes de notre cité, trois hommes d'origine différentes : Matilin An Dall, homme du peuple, Théodore de la Villemarqué qui appartenait à la noblesse et le docteur Cotonnec, issu de la paysannerie aisée, devenu bourgeois par sa profession mais classé « rouge »à cause de ses idées politiques.
Au fil des chapitres, l'auteur, ancien psychiatre de l'hôpital de Quimperlé qui a écrit de nombreux ouvrages analysant la Bretagne et ses habitants sous le prisme de la psychanalyse et de la sociologie, démontre comment ces trois personnages sont le fruit de leur époque et de leur milieu.
Matilin An Dall, « artiste inspiré », interprète mais aussi compositeur, porte l'image d'une Cornouaille joyeuse, qui aime la musique et la danse malgré l'hostilité du clergé. Il enrichit et renouvelle la musique bretonne au point que les courants puristes lui reprocheront d'avoir « mêlé des airs étrangers à la musique authentiquement bretonne ».
On comprend mieux la rencontre que l'auteur qualifie d'improbable entre la musique bretonne et le jazz sous l'égide du bagad actuel et du cercle Giz Kalon.
Philippe Carrer démontre encore que la Villemarqué était bien l'enfant de son siècle, ce XIXeme romantique et révolté à la recherche des langues et des peuples en voie de disparition. Il relie le personnage à notre contemporanéité par le biais du manoir de Kernault, devenu un haut lieu de la tradition orale de notre région.
Quant au docteur Cotonnec, chirurgien à la pointe de la modernité, il remettra au goût du jour la lutte bretonne ancestrale. N'est-ce-pas parce qu'il est le produit d'un monde paysan, happé par l'urbanisation et qui a la nostalgie de ses racines ? Le gouren représente cette ruralité, comme un symbole de résistance à la dilution d'une culture remontant au roi Arthur.
Bref, c'est une Bretagne vivante que l'on découvre, ancrée dans une Europe aux multiples facettes, une Bretagne qui voyage, loin du cliché d' Astérix et du camp retranché, apte à évoluer et à s'enrichir des autres mais aussi au fort désir de partager et de faire reconnaître sa culture.
On peut s'étonner que le maire de Quimperlé, qui se plaint du manque d'image de notre territoire, n'ait pas encore mis en avant cet ouvrage trop peu connu et qui parle à chacun d'entre nous, du Quimperlois d'origine au nouveau venu dans notre cité et ce, d'autant plus qu'il l'a préfacé.
Je suis persuadée qu'un article dans notre bulletin communal donnerait un coup de projecteur à un ouvrage qui pourrait finir au pilon faute de promotion. Ce serait d'autant plus dommage que ce livre a le mérite, au delà des divergences qu'on peut avoir sur la culture bretonne et la manière de la vivre, d' assembler le puzzle de notre héritage commun, divers et parfois contradictoire, à l'image de chacun d'entre nous.
Nadine Constantino
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